Le Palais de Tokyo mise sur le mécénat responsable

, Le Palais de Tokyo mise sur le mécénat responsable
Le-Palais-de-Tokyo-mise-sur-le-mecenat-responsable

Comment impliquer le monde économique dans la transition durable d’un lieu culturel ? C’est à ce beau projet qui s’est attelé au Palais de Tokyo. Le centre d’art contemporain parisien a mis en place le principe de « permaculture institutionnelle », terme emprunté à l’agriculture, qui consiste à s’inspirer du fonctionnement résilient de la nature pour penser des modes de programmation et de production vertueux, durables , respectueux de la biodiversité et de l’humain.

Une nouvelle façon de penser l’art, qui s’accompagne d’actions à tous les niveaux de l’institution, dont le mécénat. C’est ainsi que le Palais de Tokyo a lancé, il y a deux ans, « Palais durable », une grande opération de mécénat responsable, bâtie autour de deux cercles de partenaires : Art et écologie, où les partenaires participent à répondre aux enjeux environnementaux et Art et société, pour agir en faveur du mieux-être par l’art avec des programmes de médiation pour des publics spécifiques. Explications avec Guillaume Désangesle président du Palais de Tokyo.

palais_de_tokyo_avec_visiteurs

Vous avez décidé de faire des enjeux sociétaux et écologiques une priorité. Pourquoi avoir décidé d’associer les mécènes à cet engagement ?

J’ai effectivement orienté mon mandat de président du Palais de Tokyo sur des questions écologiques et sociétales sûr, sans renoncer pour autant à nos missions essentielles qui restent bien la promotion et la diffusion de la création contemporaine. L’approche écologique ne saurait se contenter d’un traitement cosmétique ou circonscrit : il est nécessaire d’envisager n’importe quelle activité à travers ce prisme. L’écologie ne doit pas être « à côté » mais infuser l’ensemble de nos pratiques. À partir de là, il m’a été évident que la relation du Palais de Tokyo avec ses partenaires du monde de l’entreprise et du domaine économique devait prendre en compte cette notion écologique et sociétale qui est au cœur de nos projets.

Vous avez donc lancé « Palais durable », un programme de mécénat inédit autour du développement durable. Ce programme comporte deux cercles : Art et écologie et Art et société. Quels sont leurs objectifs ?

Ces cercles représentent simplement les deux enjeux de la transition : le social et l’écologie. Ces deux termes sont totalement imbriqués : il n’y a pas d’appréhension écologique sans appréhension sociétale et vice-versa.

Pour Art et écologie, nous avons décidé de guider nos partenaires non pas vers une exposition, un projet ou un artiste précis mais sur plusieurs facettes d’un même prisme. C’est une approche globale où l’on invite les mécènes à réfléchir sur le Palais de Tokyo comme un centre d’art écologique et non pas comme une somme de projets écologiques dans un centre d’art. L’originalité de ce projet est qu’il s’agit d’un mécénat à double implication pour l’entreprise : les entreprises apportent un soutien financier d’une part, pour accompagner le déploiement de notre programmation qui participe de notre projet de permaculture institutionnelle, et un apport en nature et compétences d’autre part, pour nous aider à agir sur notre impact avec l’expertise de leurs salariés.

visiteur_prend_photo_oeuvre_toile_araignée
L’exposition On Air de Tomas Saraceno

Pour Art & Société, la démarche est similaire, les entreprises nous soutiennent financièrement et dans le même temps nous réfléchissons avec elles et leurs réseaux à des actions de médiation spécifiques. Nous nous sommes notamment penchés sur un sujet très actuel, la santé mentale. Ces dernières années, il y a eu des progrès considérables en termes scientifiques, médicaux, thérapeutiques, mais aussi sociaux et politiques : on commence à penser ces pathologies non plus comme des problèmes mais comme des diversités, des richesses, des intelligences différentes. Cette attention à la différence, à l’inclusion et, en définitive, au mieux-être est encore relativement nouvelle dans les institutions culturelles, contrairement aux pays anglo-saxons. Au Palais de Tokyo, tout cela se croise avec la programmation qui s’intéresse à cette question.

Une douzaine d’entreprises sont engagées avec vous. Quelles sont leurs spécificités, sur quels sujets ou projets se sont-elles engagés auprès de vous et avec quelles contreparties ?

La nature des entreprises qui nous accompagnent est diverse : tout aussi bien des PME comme Eco Adapt, que des grandes entreprises comme Emerige ou Ruinart. Une diversité que l’on retrouve également dans les secteurs d’activité et les compétences de ces entreprises. C’est par exemple la Fondation Swiss Life qui a des liens avec des associations de malades atteints d’Alzheimer ou Richard Mille qui a déjà un programme avec l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière.

Pour illustrer les relations avec les entreprises dans le cadre de ce programme, citons le cabinet Utopies, avec qui nous avons travaillé sur notre bilan carbone, qui va bientôt être rendu public, et notre stratégie climat. C’est grâce à leurs compétences que nous avons pu mener à bien un travail participatif aussi complet.

Avec chacun de ces mécènes, nous avons une relation spécifique qui touche aux échanges de savoirs et de compétences. Et, au sein de ce réseau, le Palais de Tokyo a un rôle très particulier à jouer : il contribue, grâce à ses liens avec les artistes, à imaginer de nouveaux récits qui rendent lisibles les nouveaux enjeux de la société.

Est-ce qu’il a été facile de mobiliser ces partenaires sur ce thème de la durabilité ?

Le paysage du mécénat a beaucoup changé ces dernières années. Je crois qu’il y a un désir très fort, de part et d’autre, de réinventer la relation. Les entreprises, aujourd’hui, ressentent un vrai besoin d’être impliquées dans les nouveaux enjeux d’un centre d’art comme le Palais de Tokyo, qu’elles soient écologiques ou sociales. Nous avons conscience de l’un comme l’autre de faire partie d’un même écosystème qui pense à un intérêt commun, c’est pour cela que le mécénat prend un nouveau relief.